Je côtoie l’industrie maritime depuis plusieurs années. J’en connaissais les grandes lignes, les rouages, les visages. Mais c’est vraiment depuis mon entrée en fonction à la tête du Port de Québec que j’ai commencé à en saisir toute la profondeur – dans toute sa complexité, ses forces, ses défis et ses zones d’ombre.
Mon apprentissage s’est enrichi au fil des rencontres. Des échanges nourris par des partenaires, des citoyens, des élus, des travailleurs passionnées. Les Assises québécoises du secteur maritime ont aussi permis de poser un regard lucide sur la réalité de l’industrie, notamment à travers la plus récente édition de L’État du transport maritime du Québec. Ce portrait a mis en évidence non seulement son omniprésence sur le Saint-Laurent, mais aussi son rôle stratégique dans nos chaînes d’approvisionnement, notre économie et notre développement régional. Et pourtant, malgré cette présence constante, cette industrie demeure largement méconnue. Elle évolue en coulisses, loin des projecteurs, malgré son importance dans notre quotidien. Ce décalage entre son rôle réel et la perception qu’on en a m’a frappée.
J’ai aussi compris que cette industrie amorce un tournant décisif. Elle est appelée à se transformer, à se réinventer, à répondre à des attentes nouvelles. Plus de transparence. Plus de cohérence avec les impératifs climatiques. Une meilleure intégration dans les milieux de vie. Bref, une évolution vers une industrie plus ouverte, plus durable et mieux comprise.
Une industrie en mouvement
Le secteur maritime, à l’image du fleuve qu’il suit, est en perpétuelle transformation. Il avance, se redéfinit : réduction des émissions de GES, transition énergétique, modernisation des infrastructures, intégration de technologies plus vertes – les chantiers sont vastes. À ces mutations s’ajoutent des secousses venues de loin comme les tensions géopolitiques et les changements dans les courants du commerce mondial.
Face à ces défis, des investissements importants sont nécessaires. Non pas pour bâtir des cathédrales de béton, mais pour ancrer une vision. Celle d’une industrie résiliente, compétitive, capable de générer des retombées concrètes : des emplois durables, des occasions d’affaires, une meilleure qualité de vie.
Ces efforts, cependant, ne peuvent pas reposer sur des épaules isolées. Ils doivent s’inscrire dans une démarche concertée, où les initiatives privées s’alignent aux priorités publiques, et où les décisions reposent sur une compréhension fine des réalités régionales. C’est là qu’un manque devient évident : malgré son importance stratégique, l’industrie maritime demeure étonnamment peu étudiée à l’échelle régionale. Trop peu d’analyses permettent de cerner ses impacts concrets sur les collectivités, ses retombées économiques à long terme ou encore sa contribution à notre autonomie. Ce déficit d’information freine la pleine reconnaissance de sa valeur – visible et invisible – et limite notre capacité collective à planifier, à prioriser et à innover.
L’industrie maritime ne fait pas que déplacer des cargaisons – elle transporte une part essentielle de notre avenir et de notre autonomie collective.
Un secteur qui génère de la richesse visible et invisible
Loin des clichés, l’industrie maritime n’est pas seulement un rouage logistique. Elle soutient des milliers d’emplois, alimente les revenus publics et agit comme un levier de développement puissant pour nos régions. Dans un monde où la diversification des marchés devient essentielle, son rôle se révèle plus stratégique que jamais.
Le Port de Québec connecte les entreprises d’ici au vaste monde. Il leur permet de briser les dépendances, de se tourner vers de nouveaux marchés, de renforcer leur autonomie. Et cette richesse, bien sûr, n’est pas qu’économique.
Elle est aussi humaine. C’est la possibilité pour un entrepreneur local de voir ses produits voguer vers l’Europe. C’est la potentialité pour un jeune travailleur de bâtir une carrière porteuse de sens. C’est la perspective pour une communauté de rayonner à l’international. Voilà une richesse plus discrète, mais ô combien précieuse !
Une présence silencieuse, mais essentielle
L’un des constats les plus clairs depuis mon arrivée, c’est cette volonté sincère des citoyens de mieux comprendre. Pas nécessairement de s’opposer, mais de savoir. De quoi sont faites les activités portuaires ? Quels mécanismes assurent leur sécurité, leur transparence, leur durabilité ? Ce désir d’être informé est sain et stimulant.
Il trouve un écho vibrant chez les gens de l’industrie. Ce qui m’a touchée, c’est leur passion, leur accueil, leur sens du devoir. Gestionnaires, travailleurs, partenaires : tous m’ont reçue avec une générosité et une envie commune de faire mieux. Mieux expliquer. Mieux collaborer. Mieux intégrer le port à la ville.
L’industrie maritime ne fait pas souvent la une des journaux. Elle travaille dans l’ombre, discrète. Et pourtant, elle est partout. Dans notre essence, nos aliments, nos matériaux de construction. Elle relie le monde à notre quotidien commun un courant invisible, mais constant.
Aujourd’hui, dans un contexte où les chaînes logistiques sont fragilisées, où l’autonomie énergétique et alimentaire devient centrale, ce rôle prend une nouvelle importance. Le Port de Québec, en particulier, agit comme une porte ouverte sur d’autres marchés. Une alternative face aux secousses politiques, une solution pour les entreprises d’ici à mieux se projeter, à mieux résister, à mieux prospérer.
Ce n’est pas seulement une question de tonnage. C’est une question de présence. De résilience. D’intelligence collective. L’industrie maritime est un socle. Un appui pour nos économies régionales. Un pont entre notre territoire et le reste du monde.
– Olga Farman